“Nous ne sommes pas en voyage”
Portraits et témoignages d’usagers de l’accueil de jour des Grands Voisins pendant la crise sanitaire
→ Visible jusqu’au 15 août 2020
→ Rendez-vous au niveau du portail des Grands Voisins au 72 avenue Denfert-Rochereau
Nous les avons rencontrés pendant le confinement, alors qu’ils cherchaient un endroit où dormir et se reposer, dans un Paris désert où la majorité des accueils de jour étaient fermés. Nous avons fait avec eux les démarches de recherche d’hébergement, évoqué leur histoire et leur quotidien. En l’absence de réponse du système de mise à l’abri, nous les avons vus revenir tous les jours pour se doucher, prendre un repas, rencontrer un travailleur social, trouver de l’aide et du réconfort dans cette période de crise sanitaire.
Nous sommes rarement parvenus à améliorer leur situation ; la plupart d’entre eux vivent encore à la rue. Mais nous avons appris à mieux les connaître, et au travers de ces portraits, nous vous invitons à les rencontrer. Le terme “sans-abri” invisibilise des milliers de personnes aux parcours variés (sans-papiers, français, demandeurs d’asile, jeunes en errance, SDF de longue date…). Nous avons voulu partager la richesse de leurs personnalités et leur perception du système qui contribue à les exclure. « Nous ne sommes pas en voyage », nous a dit l’un d’entre eux, et il est grand temps que les pouvoirs publics s’en rendent compte.
L’accueil de jour et les carences du système d’hébergement pendant la crise sanitaire
L’accueil de jour des Grands Voisins, géré par l’association Aurore et initialement dédié aux demandeurs d’asile et réfugiés, est ouvert à tous les hommes isolés en situation de précarité depuis le début de la crise sanitaire, pour compenser la fermeture de nombreux services sociaux et accueils de jour parisiens. Ces hommes sans abri peuvent ainsi accéder à des services de buanderie, douche, restauration ainsi qu’à un suivi social.
Au début de la crise sanitaire, les pouvoirs publics ont annoncé des opérations exceptionnelles de mise à l’abri. L’accueil de jour a donc enregistré les demandes d’hébergement des usagers, allant jusqu’à 166 demandes entre le 26 mars et le 10 mai auprès du SIAO (Service Intégré d’Accueil et d’Orientation, qui gère l’hébergement d’urgence en Ile-de-France). Pourtant, seules 5 de ces demandes ont pu aboutir, laissant toutes les autres sans solution. Face à l’absence de réponse du système dédié, les équipes de l’accueil de jour ont ensuite cessé d’enregistrer les demandes d’hébergement, pour éviter de créer frustration et détresse pour les personnes sans abri.
Aujourd’hui, on estime qu’il reste près de 3600 personnes isolées dans les rues parisiennes. Parmi les personnes qui ont pu être hébergées, beaucoup ont déjà été remises à la rue, et la tendance s’amplifie même si nous sommes encore en période de trêve hivernale (jusqu’au 10 juillet 2020).
Le système d’hébergement est saturé depuis des années. Cette crise sanitaire met en exergue le manque de places d’hébergement et d’accompagnement vers le logement, qui abandonne les personnes déjà exclues et marginalisées à la rue, aggravant ainsi leur vulnérabilité physique et psychologique. La vie à la rue a des impacts forts et parfois irréversibles ; plus elle se prolonge, moins les personnes ont la capacité de s’en sortir.
Ces trajectoires sont individuelles, mais s’inscrivent dans le même système créé par une volonté politique qui renforce l’exclusion au lieu de la prendre véritablement en charge par des solutions concrètes.
Avec cette série de portraits, nous avons voulu dénoncer ce système à l’origine des situations d’exclusion. Ils ont tous été réalisés pendant le confinement par Michaël Mosset, photographe et travailleur social pour l’association Aurore, avec une Afghan box, un appareil de photographe de rue. Travailler à l’Afghan box n’est pas anodin, ici il n’est pas question de photographier caché ou à la volée, la technique requiert un échange, un partage.
Ces personnes sont toutes accueillies régulièrement à l’accueil de jour ou à la distribution alimentaire des Grands Voisins, et ont accepté librement de témoigner.
L’équipe de l’accueil de jour et des Grands Voisins, Mai 2020, Paris
Photos et recueil des témoignages par Michaël Mosset
Gérard
©MOSSET Michaël
“Des gendarmes m’ont dit que l’Etat a réquisitionné des chambres d’hôtels pour les SDF pendant le confinement mais ça j’en ai pas vu la couleur.”
→ L’ensemble du témoignage de Gérard est à retrouver ici.
Marc
©MOSSET Michaël
“Quand t’es dans la merde t’es invisible.”
→ L’ensemble du témoignage de Marc est à retrouver ici.
Sory
©MOSSET Michaël
“La France qui est un grand pays, qui a tout, pourquoi pas aider ces
gens qui sont dans la rue ? Chacun pense à son intérêt, pourtant il y a des gens qui crèvent.”
→ L’ensemble du témoignage de Sory est à retrouver ici.
Linda
©MOSSET Michaël
“J’y croyais là, après le déconfinement, j’avais entendu parler de trucs grandioses, des appels persos et tout, mais y’a rien eu encore une fois.”
→ L’ensemble du témoignage de Linda est à retrouver ici.
Abdullah
©MOSSET Michaël
“Je ne sais pas combien de temps je vais rester dans le squat. Peut-être un jour, peut-être une semaine, peut-être un mois, peut-être deux mois, je ne sais pas.”
→ L’ensemble du témoignage d’Abdullah est à retrouver ici.
Florin
©MOSSET Michaël
“Nous sommes dans un pays où la fraternité existe seulement sur le papier. Egalité, jamais.”
→ L’ensemble du témoignage de Florin est à retrouver ici.
Ali
©MOSSET Michaël
“Tous les jours je me relève je me laisse pas abattre, ça prendra le temps qu’il faudra mais je vais le faire.”
→ L’ensemble du témoignage d’Ali est à retrouver ici.
Emmanuel
©MOSSET Michaël
“Je veux juste vivre comme tout autre être humain.”
→ L’ensemble du témoignage d’Emmanuel est à retrouver ici.
Joseph
©MOSSET Michaël
“Le 115 il fait attendre, attendre, attendre. C’est désespérant d’attendre. Moi j’aime pas attendre, attendre pour moi ça me fatigue, ça m’énerve, ça m’endort.”
→ L’ensemble du témoignage de Joseph est à retrouver ici.
Cloé et Ludivine (travailleuses sociales)
©MOSSET Michaël
“On accumule pas mal de colère et de frustration, on est témoins de la violence de la société, on la voit, elle est palpable.”
→ L’ensemble du témoignage de Cloé et Ludivine est à retrouver ici.
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