Didier Gandon est psychologue clinicien et psychanalyste. Il intervient auprès de l’équipe salariée du centre d’hébergement Pangéa pour animer une analyse des pratiques. Pangea, géré par l’association Aurore, accueille 30 jeunes étrangers isolés en démarche d’insertion et de professionnalisation.
En quoi consiste l’analyse des pratiques ?
L’analyse des pratiques s’adresse aux professionnels qui accompagnent des personnes dans une relation d’aide, car celle-ci est souvent parsemée de pièges. Lorsqu’on accompagne quelqu’un, on ne peut pas savoir exactement ce qu’il souhaite voir pris en compte ni ce qu’il va pouvoir saisir des propositions. C’est une grande difficulté. Combien de fois est-on confronté au paradoxe d’avoir trouvé une solution d’emploi, de logement, d’accès à des droits, de soins que la personne a demandé… pour s’apercevoir qu’elle ne parvient pas à s’en saisir. La question est alors de savoir ce qui s’est passé, ce à côté de quoi on est passé.
Je suis là pour ouvrir un espace de réflexion au sein des équipes, entre professionnels, pour questionner ensemble ce à quoi elles se confrontent dans la pratique. Il s’agit de trouver des issues au cas par cas. Car si la mission de base est identique pour chaque accompagnement, la façon de les conduire dépend totalement de ce qui se passe avec chaque personne en fonction de sa réalité personnelle. Cet espace doit être protégé de sorte à se sentir en confiance et pouvoir s’ouvrir aux collègues afin d’échanger sur des problèmes rencontrés sans se sentir jugé. Le groupe et moi-même nous engageons à instaurer un climat de confiance bienveillant. Ces espaces d’échange permettent également de trouver du plaisir à travailler ensemble.
Il faut aussi distinguer l’analyse des pratiques d’autres groupes de travail :
- Il y a l’analyse des pratiques appelée GAP (Groupe d’Analyse des Pratiques) qui permet à chacun de prendre de la distance avec les situations professionnelles vécues pour s’y ajuster et trouver de nouvelles manières de les aborder. L’acronyme est intéressant car il exprime cette distance, “gap” signifie “écart” en anglais.
- Il y a aussi la régulation d’équipe qui permet de s’interroger sur ce qui se passe dans l’équipe quand des conflits déclarés ou larvés empêchent de travailler ensemble. Il s’agit de réguler les interactions dans l’équipe.
- La supervision propose un travail beaucoup plus personnel. Il s’agit de travailler sur les émotions ressenties par les travailleurs sociaux qui entraînent des réactions liées à leur histoire voire une confusion entre ce qui appartient au travailleur social et ce qui appartient à la personne accompagnée. In fine, le travail permet de distinguer ces deux échelles.
L’analyse de pratique n’est pas obligatoire dans les centres d’hébergement mais l’association Aurore a le souci d’en maintenir la possibilité. Le travail qui consiste à aider l’autre est extrêmement compliqué pour se maintenir du côté d’un accompagnement qui aide l’autre à s’aider lui-même. Car c’est tout de même la question de l’autonomie de chacun qui est visée.
Qu’est-ce que travailler au sein des Grands Voisins implique ?
On ne peut pas s’affranchir de l’environnement dans lequel on travaille. Le fait d’être aux Grands Voisins a sans doute une incidence sur la façon dont l’équipe se sent exister et sur les relations qu’elle peut entretenir avec les autres dispositifs puisqu’il y a une proximité géographique. L’ambiance festive a vraisemblablement aussi un impact sur la façon dont les équipes abordent le travail mais je ne pourrais pas le définir plus en détail.
Qu’est-ce qui vous plaît dans ce métier ?
Cela revient à me demander ce qu’est mon désir d’analyste.
Il s’agit pour moi d’occuper une place qui permet le plus possible à chacun d’être sujet de ce qu’il fait, c’est-à-dire se confronter au doute, à l’hésitation, voire à l’erreur face à la complexité humaine et s’en débrouiller en appui sur l’équipe pour continuer à avoir une pensée vivante et pas trop préconçue.
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